Lorsque tu t’es fait élire au Conseil national comme premier écologiste dans un Parlement national en 1979, je n’étais pas encore né ; lorsque tu t’es fait élire à la Syndicature de Lausanne en 2001, je n’étais pas majeur ; lorsque tu t’es fait brillamment (ré)élire à la Syndicature en 2006, j’étais à peine membre des Verts ; lorsque tu avais fait ta célèbre micro-sieste durant une séance du Grand Conseil vaudois en 2012, j’étais en train de m’exprimer à la tribune comme jeune député…

Autant dire qu’à aucun moment durant ces années-ci je n’aurais osé imaginer avoir un jour l’honneur et le privilège de te succéder au Conseil national, défi de taille s’il en est. J’aimerais te dire ici MERCI, Daniel, d’avoir inspiré des générations d’élues et d’élus verts et d’avoir tant fait pour faire progresser nos causes à tous les niveaux. Ceux qui ne te connaissent pas personnellement ont l’image d’une personnalité brillante, amoureuse des chiffres et des formules qui claquent, passionné des finances, la Realpolitik chevillée au corps, le tout savamment mélangé à une intacte envie de changer le monde ; à l’évidence les Vaudoises et Vaudois, voire la Suisse entière, te connaissent aussi pour tes cravates « chat », tes variations de poids et tes apparitions médiatiques jamais anodines. Tu as eu des détracteurs de tous poils et de tous bords – l’inverse aurait été inquiétant après un si long engagement public – et des fans inconditionnels, lesquels sont toujours prompts à réclamer un « selfie » sur le stand au marché le samedi matin.

Cette image publique ne reflète qu’imparfaitement la personnalité politique que tu es. J’aimerais dire ici l’exceptionnelle disponibilité, fidélité et générosité dont tu as fait preuve envers ta famille politique tout au long de ton parcours. Peu se soucient du fonctionnement interne des partis, ces entités un peu obscures que l’on passe d’ordinaire plus de temps à critiquer qu’à tenter de comprendre.

Les Vert-e-s demeurent encore, malgré la progression encourageante de nos idées, un petit parti, un « mouvement » selon nos statuts. L’énergie qu’il faut mettre pour le faire vivre est considérable. Cette vie repose beaucoup sur les engagements des élues et des élus et tu es à cet égard un modèle pour beaucoup d’entre nous. Au fil des décennies d’engagement à tous les niveaux, tu es resté un fidèle parmi les fidèles : toujours en poste sur le stand du marché, prêt à dégainer tes formules chocs, tes chiffres et tes arguments pour convaincre le passant ou le curieux de voter ou d’élire vert ; toujours affuté pour conduire les plus complexes analyses électorales et pronostics pour toutes les élections et votations – avec parfois quelques pronostics erronés que la pudeur m’interdit de dévoiler ici, mais qui révèlent que tu demeurais un être humain faillible comme les autres ; toujours généreux avec les Vert-e-s lorsqu’il s’agissait de récolter des fonds pour des actions ou campagnes diverses ; toujours disposé à incarner la mémoire politique vivante des dernières décennies, avec une précision tout simplement époustouflante. Il faudrait d’ailleurs que tu profites de ta retraite de parlementaire pour consigner tous ces souvenirs et toutes ces connaissances par écrit pour ne rien perdre de ces décennies exceptionnelles d’engagement !

Maintenant que nous sommes pleinement rassurés sur ta santé, je peux sereinement te souhaiter une retraite politique aussi épanouissante que reposante. Mais fais-nous confiance, nous ne te lâcherons pas de sitôt et ne manquerons pas de te solliciter fréquemment. Je pressens que nous aurons déjà besoin de ton formidable computer électoral ce dimanche d’élections cantonales vaudoises…

Photo : Tony, Lausanne Cités du 9-10 mars 2022