Le blog de Raphaël Mahaim

Agriculture: transparence des marges et prix planchers

Agriculture: transparence des marges et prix planchers

par | Août 26, 2023 | Agriculture, Biodiversité, Conseil national, Economie verte, fiscalité agricole | 0 commentaires

Reprise de ma tribune parue dans 24 heures le 30 juin 2023

Deux à trois fermes doivent mettre la clé sous la porte chaque jour en Suisse, soit près d’un millier par année. Même s’il y a heureusement aussi de magnifiques histoires à succès dans l’agriculture, ce chiffre demeure vertigineux. Une multitude de facteurs peut expliquer cette tendance.

Le libre-échange forcené à l’échelle internationale (projet d’accord Mercosur, Cassis de Dijon, etc.) exerce une pression insoutenable sur les agriculteurs de notre pays; la funeste nouvelle fiscalité agricole entrave de façon insupportable et injuste la transmission des domaines; une certaine bureaucratie complique à l’excès le quotidien dans les exploitations; les conditions climatiques de plus en plus difficiles menacent la production en quantité et en qualité…

Une injustice supplémentaire est très choquante: dans l’agriculture, les coûts de production ne sont en règle générale pas couverts par le prix de vente aux distributeurs, ou alors à peine. Autrement dit, sur l’ensemble de la chaîne jusqu’au consommateur, le travail du producteur n’est pas rémunéré à sa juste valeur et ce sont les distributeurs qui se taillent la part du lion. L’emblème bien connu de cette injustice est le prix du lait. L’année dernière en Suisse, le prix moyen payé au producteur était de 69,25 centimes par kilo de lait, montant souvent insuffisant pour couvrir les coûts de production. En supermarché, le prix payé par le consommateur final est un multiple de ce montant…

Cela fait longtemps que ce problème est connu et pourtant rien ne bouge ou presque. Albert Einstein disait: «On ne résout pas les problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrés.» Ayons maintenant le courage d’envisager de nouvelles perspectives. Avec Pierre-Yves Maillard, dans le cadre de notre campagne pour le Conseil des États, nous proposons l’introduction de nouveaux instruments: un observatoire statistique des marges sur toute la chaîne (de la production à la vente finale), d’une part, et des prix planchers contraignants en faveur des producteurs, d’autre part.

La loi sur l’agriculture contient déjà une base légale pour l’élaboration par les branches concernées de prix indicatifs, fixés aujourd’hui «d’un commun accord par les fournisseurs et les acquéreurs», ce qui confère à la grande distribution une position de force lui permettant d’imposer sa loi. Il faut maintenant aller au bout de la logique en rendant ces prix obligatoires, à l’instar de ce qui se pratique dans d’autres secteurs (médicaments, électricité, etc.).

Un vrai débat

L’introduction de ces prix planchers sera accompagnée de mécanismes permettant d’éviter que la hausse ne soit répercutée sur les consommateurs. Le gâteau doit être réparti différemment entre producteurs et distributeurs; il ne s’agit pas d’agrandir le gâteau au détriment du consommateur.

La souveraineté alimentaire et l’agriculture de notre pays méritent un débat à la hauteur des enjeux.

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