Reprise de ma tribune parue dans 24 Heures le 5 décembre 2022
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Ce lundi 5 décembre 2022 sera débattue au Conseil national la révision du droit pénal sexuel, l’un des débats de société les plus importants de notre époque. Parce que la violence sexuelle est un fléau à combattre avec la dernière énergie et parce que cela questionne les rapports intimes.
Nous ne demandons pas la lune. La demande portée depuis des années par les associations féministes, les organisations de victimes de violences sexuelles ou encore les ONG actives dans la protection des droits fondamentaux est très simple: avant de partager un moment d’intimité sexuelle avec une personne, on s’assure de son consentement. Point à la ligne. Ni plus, ni moins. La sexualité est fondée sur l’écoute, l’attention et le respect mutuel. Il peut y avoir de la lenteur ou de la hâte, de la tendresse ou de la fougue, des mots ou des silences, mais en tous les cas, cela doit rester un acte de partage, décidé conjointement.
La notion de consentement est connue en droit pénal: une violation de domicile n’est punissable qu’en l’absence de consentement du propriétaire; l’enregistrement d’une conversation téléphonique n’est pas un délit si l’interlocuteur ou l’interlocutrice a donné son accord; la criminalité économique fourmille de situations où le consentement est déterminant. Lorsque l’on cite ces exemples éprouvés en droit pénal, les adversaires du consentement sexuel rétorquent alors: «ah, mais ce n’est pas la même chose!»
«Pas la même chose.» Vraiment? Et pourquoi donc le consentement serait-il indispensable avant de pénétrer sur la propriété d’autrui et non pour les relations intimes? Pourquoi donc cette notion ne pose-t-elle aucune difficulté ailleurs et serait insurmontable ici? Cela révèle surtout beaucoup de la perception encore très en vogue de la sexualité où il est admis que l’on puisse «brusquer» ou «forcer» son ou sa partenaire en cas de réticence ou de résistance… Et c’est cela qu’il faut changer.
Tordons encore le cou aux arguments farfelus brandis çà et là, erronés au plan juridique. Non, trois fois non, le consentement ne renversera pas le fardeau de la preuve: une personne accusée ne devra pas prouver qu’elle est innocente; il appartiendra toujours à la police puis au Ministère public de prouver sa culpabilité. Non, cela ne permettra pas de condamner sans preuves dans des situations de «parole contre parole».
La présomption d’innocence, fondement de notre droit pénal, subsistera. Le consentement pourra être tacite et ne devra pas être consigné dans un contrat écrit ou par une application smartphone, autant de craintes infondées qui ne se réaliseront fort heureusement jamais.
Le consentement n’est pas l’ennemi de l’érotisme; il en est au contraire son premier garant et protège l’autodétermination sexuelle de chacune et chacun. Il n’est pas une variable d’ajustement mais doit désormais être le fondement du respect pour autrui dans les relations sexuelles.
Bravo, merci d’oser défendre l’intimité sexuelle dans toute sa créativité et sa liberté. D’autant que c’est toujours la ou le plus vulnérable qui souffre de l’actuelle zone grise en matière de consentement. Le corps ne doit plus être un tabou et peut librement être défendu et protégé.