Reprise de ma tribune parue dans 24 Heures le 13 septembre 2022
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Au milieu de cet été 2022 dramatiquement sec et caniculaire, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution consacrant comme un droit humain le «droit à un environnement propre, sain et durable». Aux côtés des quelques autres États, la Suisse a été à l’origine de cette démarche.
On peut se féliciter de cette diplomatie helvétique «verte», mais, à y regarder de plus près, la réalité dans notre pays est moins réjouissante. En Suisse, on peut occuper la justice pendant des années lorsque le projet de cabanon de jardin du voisin n’est pas à son goût. En revanche, pour faire valoir la protection de l’environnement devant un tribunal, c’est souvent un chemin de croix. Le motif? La tradition judiciaire suisse, encore archaïque à cet égard, demeure essentiellement calibrée pour la protection des intérêts individuels.
Pour saisir la justice, il faut être «personnellement et directement» concerné par la mesure que l’on veut critiquer. Si l’on s’en prend «égoïstement» à un projet de construction sur la parcelle adjacente, toutes les voies de recours sont ouvertes, mais si l’on veut critiquer le dépassement des valeurs limites en matière de pollution de l’air dans sa commune, la pollution de la rivière voisine ou encore l’insuffisance des mesures en matière climatique, les portes des tribunaux suisses se fermeront. Haro sur les cabanons de jardin de mauvais goût, mais rien à faire de l’état de l’atmosphère! C’est un sens des priorités pour le moins étrange…
Dans la plupart des pays voisins, différentes formes d’actions judiciaires en matière environnementale sont admises. En France, en Allemagne ou aux Pays-Bas par exemple, les tribunaux se sont déjà prononcés à plusieurs reprises, suite à des actions citoyennes, sur les carences climatiques des autorités nationales. En Suisse, c’est le néant pour l’heure.
Les Aînées pour la protection du climat se sont heurtées à un mur et doivent maintenant se battre devant la Cour européenne des droits de l’homme pour faire reconnaître leur droit à un environnement sain. Le seul correctif à cette situation aberrante est le droit de recours des associations environnementales, mais qui demeure limité à quelques domaines particuliers.
Lors de cette session d’automne qui débute, le Conseil national débattra d’une initiative parlementaire demandant d’inscrire dans la Constitution le droit à un environnement sain comme droit fondamental. Le débat s’annonce houleux. La majorité de la commission n’en a pas voulu, arguant que les instruments existants sont suffisants, en dépit de la réalité judiciaire.
La diplomatie verte est une très bonne chose. La Suisse pourrait cependant commencer par balayer devant sa propre porte et faire évoluer sa conception archaïque du droit de recours en matière environnementale. L’environnement est un bien commun et tout le monde devrait pouvoir prendre sa défense en justice.
Et pourtant ce serait élémentaire que d’inscrire dans la Cst fédérale un droit à un environnement sain comme droit fondamental. Cela obligerait que chaque acte soit bien conforme à ce droit élémentaire. La majorité de la commission n’en veut pas? Bien sûr sous prétexte que les instruments existants sont suffisants, cela lui permet de ne rien faire et d’ignorer ces instruments…en toute liberté!!!