Le blog de Raphaël Mahaim

Congé paternité: demain, sortir de l’âge de pierre!

Congé paternité: demain, sortir de l’âge de pierre!

par | Sep 10, 2019 | démocratie, Egalité hommes femmes, Générations futures | 0 commentaires

Demain, mercredi 11 septembre 2019, le Parlament débattra du congé paternité en Suisse. Une majorité parlementaire de dinosaures mâles va très certainement rejeter les modestes quatre semaines de congé paternité demandées par l’initiative populaire « le congé paternité maintenant« . On entendra une nouvelle fois la rengaine des « coûts insupportables pour l’économie ». Je saisis l’occasion pour publier une nouvelle fois un billet paru en mars 2019 dans Le Temps qui tente de démontrer que ces arguments économiques ne résistent pas deux secondes à l’analyse:

L’Union suisse des arts et métiers (USAM) a publié en début d’année son “rating PME”, devenu traditionnel en année électorale. En analysant les votes des élus aux Chambres fédérales sur des sujets considérés comme importants pour les PME, un classement des parlementaires est établi en fonction de leur prétendue défense des intérêts des PME. Le PLR et l’UDC sortent en tête, ce qui n’est pas suprenant quand on sait que l’USAM est un repère d’élus provenant de ces deux partis. C’est de bonne guerre, en particulier en année électorale où tous les lobbies cherchent à avancer leurs pions pour les échéances à venir.

Pour la première fois, j’ai lu ce rating avec des yeux différents, plus curieux et plus concernés. Depuis bientôt quatre ans, je suis avocat indépendant, organisé en raison individuelle; j’emploie désormais trois collaborateurs et suis donc ce que l’on peut pompeusement appeler un “patron de PME”. J’ai fait l’exercice de penser à ce qu’ont été mes principales préoccupations ces derniers temps – et plus généralement celles de jeunes avocats ou entrepreneurs qui se lancent dans l’aventure de l’indépendance – pour apprécier la valeur et la portée de ce rating.

Mon année de “patron de PME” a été marquée par trois heureux événements dans l’équipe. Une première grossesse, celle d’une collaboratrice, s’est terminée par quelques semaines d’arrêt maladie avant l’accouchement, comme cela se produit fréquemment. Sauf à payer des primes exorbitantes à une assurance perte de gain maladie privée – pour bénéficier d’un délai de carence très court en cas de maladie – l’employeur supporte dans un tel cas forcément tout ou partie du salaire de la collaboratrice absente; suite à l’accouchement, le système des allocations perte de gain prend le relais, mais de façon minimaliste (80% du salaire et 14 semaines seulement). Considéré globalement, on ne peut pas dire que ce système introduit en 2005, 60 ans après le vote de l’article constitutionnel y relatif, soit particulièrement généreux pour les femmes et les petites entreprises, en comparaison internationale. Merci au PLR et à l’UDC d’avoir à l’époque non seulement ralenti la mise en oeuvre de ce dispositif mais surtout d’en avoir réduit la portée au maximum.

Le deuxième heureux événement était le fait d’un collaborateur, le troisième celui du patron de PME soussigné. Il me paraît tout simplement impensable d’exiger d’un jeune père qu’il vienne travailler le lendemain de la naissance de son enfant, comme l’imposerait en réalité le droit du travail. J’ai donc décidé de mon propre chef d’accorder à mon collaborateur un “congé paternité” de plusieurs jours. En l’absence de véritable congé paternité, avec mutualisation des coûts correspondants par l’assurance perte de gain, ce temps d’absence du collaborateur est donc intégralement assumé par la PME. Inutile de préciser que les éventuels jours d’absence du “patron” pour cause de paternité sont aussi exclusivement à sa charge…

Mutualiser le financement du congé paternité par les allocations pertes de gain est pourtant indispensable pour que toutes les entreprises puissent offrir les mêmes prestations aux pères. Les cotisations sociales supplémentaires seraient marginales et à peine perceptibles, mais les bénéfices pour les petites entreprises et les familles immenses. L’exemple de Novartis, qui a communiqué récemment au sujet de son congé paternité généreux, est très éclairant. Aucune PME ne pourra s’aligner sur Novartis et ses 14 semaines de congé paternité! Merci à l’UDC et au PLR de torpiller depuis des années et par tous les moyens les tentatives d’introduire un semblant de congé paternité dans notre pays…

Après les premiers mois de vie des enfants se pose inévitablement la question de la garde, cela même si l’un ou l’autre des parents (ou les deux) réduisent leur temps de travail. A cet égard, on ne peut pas dire que les structures d’accueil de la petite enfance soient encore suffisantes en Suisse, tant l’attente pour une place de crèche peut être longue, causant de grosses inquiétudes aux jeunes parents. Merci à l’UDC (et dans une moindre mesure au PLR) d’avoir été des freins constants au développement d’accueil préscolaire et parascolaire ces dernières décennies, tant par refus d’y consacrer des moyens adéquats que par dogmatisme. A titre d’exemple, le refus par l’UDC de l’article constitutionnel sur la politique familiale en 2013 a largement contribué à l’échec du projet en raison du vote négatif de la majorité des cantons (les cantons de Suisse centrale pour la plupart).

La conciliation entre vie professionnelle et familiale n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais il a ceci de particulier qu’il constitue une préoccupation quotidienne pour quasiment tous les entrepreneurs ou jeunes indépendants qui ont une famille. L’UDC et le PLR ont été très occupés ces dernières années à oeuvrer pour la baisse des impôts des gros actionnaires ou à lutter contre les coûts de la surréglementation; l’UDC s’emploie depuis longtemps à rendre aussi bureaucratique que possible l’engagement de personnes de nationalité étrangère. Trois sujets qui me paraissent être à des années lumières des principales préoccupations des jeunes entrepreneurs. Ainsi, je m’interroge et je pose la question aux auteurs de ce fameux rating: de quelles PME parle-t-on, au juste, lorsque l’on affirme que ce sont le PLR et l’UDC qui les défendent au mieux?

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Blog

Mes derniers articles

Discuter

Entrons en contact !

Souscrivez à ma newsletter et recevez régulièrement un aperçu de mes activités politiques