Le blog de Raphaël Mahaim

Hydrocarbures sur sol vaudois: la saga verte de la décennie

Hydrocarbures sur sol vaudois: la saga verte de la décennie

par | Mar 28, 2019 | Agriculture, Economie verte, Energie, Générations futures, Grand Conseil, Les Verts, Qualité de vie, Ressources naturelles | 0 commentaires

Beaucoup n’ont plus foi en la politique, considérant qu’elle n’est pas apte à répondre aux défis de notre temps. C’est peut-être en partie vrai, mais ce n’est certainement pas une raison pour la laisser encore davantage aux mains de forces moins scrupuleuses qui se moquent du bien commun. Et puis, surtout, il y a des motifs d’espoir, illustrant la devise que nous avons faite nôtre depuis longtemps: “penser global, agir local”. Désormais, quand je croiserai quelqu’un me disant que la présence écologiste dans les instances politiques est vaine, je lui raconterai l’histoire de l’interdiction de l’extraction des hydrocarbures dans le canton de Vaud. Petit retour sur une saga en cinq épisodes, avec un épilogue plus que réjouissant (article aussi publié dans Actes Verts, l’infolettre des Verts vaudois, le 27 mars 2019).

Episode 1. Il y a une dizaine d’années, le débat sur l’utilisation des ressources du sous-sol s’invite en Europe en réaction à l’appétit vorace des lobbies du gaz et du pétrole et suite à divers scandales liés à l’exploitation des gaz des schistes notamment aux Etats-Unis. Les Verts interviennent une première fois au Grand Conseil en 2011 par une interpellation de Vassilis Venizelos. C’est en réponse à cette interpellation que le Conseil d’Etat annonce un moratoire sur l’extraction de gaz de schistes dans le canton.

Episode 2. Malgré le moratoire décrété par le Conseil d’Etat, divers projets de forages exploratoires progressent dans le canton, dont celui bien connu de Noville. Les exploitants parlent de “prospection” et se gardent bien de mentionner que des gaz de schistes pourraient être exploités. La résistance s’organise, avec des collectifs citoyens par exemple dans la région de Noville ou dans le Gros-de-Vaud. Il est temps de revenir à la charge au plan politique, le simple moratoire du Conseil d’Etat n’ayant pas force de loi. Par une motion du soussigné déposée en 2014, les Verts au Grand Conseil demandent une révision législative permettant à la fois de poser un cadre clair pour la géothermie et d’interdire les méthodes de fracturation hydrauliques utilisées pour l’exploitation des gaz de schistes. Soutenue par une majorité du Grand Conseil, la motion contraint le Conseil d’Etat à lui soumettre un projet de loi allant dans le sens demandé.

Episode 3. Il est à craindre que la révision de la loi cantonale ne soit pas à la hauteur des enjeux. Les Verts vaudois, avec quelques partenaires, nous lançons donc en 2017 notre initiative “Pour un canton sans extraction d’hydrocarbures” visant précisément à interdire toute extraction d’hydrocarbures, conventionnels ou non. Comme le savent celles et ceux qui ont récolté des signatures, cette initiative fait un tabac lors de la récolte. Un succès qui nous place en position idéale pour préparer la révision législative à venir…

Episode 4. Le Conseil d’Etat soumet au Grand Conseil son projet de loi sur les ressources naturelles du sous-sol au début de l’année 2018 en guise de réponse à la motion de 2014 et comme contre-projet à notre initiative de 2017. Un pas supplémentaire est franchi dans la bonne direction: il est proposé d’interdire la fracturation hydraulique dans la loi. La commission parlementaire se met au travail et l’enjeu principal des discussions gravite autour de nos revendications. Suite à un intense travail de persuasion et de négociation, la commission accouche d’une version encore améliorée de la loi: ce n’est pas seulement la fracturation hydraulique qui serait interdite, mais l’extraction de tous les gaz non-conventionnels. La droite majoritaire au Grand Conseil a déjà le sentiment d’avoir trop fait de concessions aux méchants écolos et menace de tourner casaque si nous ne nous satisfaisons pas de cette version. C’est mal connaître les Verts et leur opiniâtreté…

Episode 5. La commission parlementaire, divisée, fait rapport au Grand Conseil. La droite milite pour sa version qu’elle considère déjà comme trop “généreuse” en faveur de l’environnement. (Soit dit en passant, je n’ai jamais compris comment on peut être “trop” généreux en faveur de l’environnement, comme s’il y avait un seuil de générosité à partir duquel cela devenait dangereux. Je me dis que cela doit être le novlangue PLR; il ne faut pas chercher à comprendre). La majorité de la commission semble sûre de son fait et fait mine de n’avoir pas peur d’un scrutin populaire sur l’initiative populaire. Sauf que la canicule de l’été 2018 et les assises du climat organisées par le canton ont passé par là dans l’intervalle. Il n’est pas tenable de faire de grandes promesses en matière climatique si l’on n’est même pas capables de laisser nos hydrocarbures vaudois dans le sous-sol… A grands renforts de négociations de dernière minute et d’engagements de retrait de l’initiative, nous parvenons en deuxième débat en plénum à faire voter une majorité du Parlement en faveur d’un article de loi très proche du contenu de notre initiative. Le vote sera confirmé en troisième et ultime débat.

Epilogue. Aucun référendum n’a été lancé à l’encontre de la loi votée à la fin de l’année dernière. De même, aucun recours n’a été déposé dans le délai légal. En conséquence, il n’y aura désormais plus d’extraction d’hydrocarbures, quels qu’ils soient, sur sol vaudois! Les projets existants, à l’image du forage de Noville, doivent être abandonnés et démantelés, pour le plus grand soulagement des populations riveraines et pour le plus grand bonheur des défenseurs de la nature et du climat! Peu auraient pronostiqué une telle issue au tournant des années 2010. Alors certes, nous n’avons pas encore répondu à tous les défis en matière climatique grâce à cette interdiction. Mais c’est déjà un petit ruisseau contribuant à alimenter la rivière qui pourrait, on l’espère, infléchir le cours de l’histoire postmoderne. N’en déplaise aux irresponsables et aux esprits chagrins qui préfèrent critiquer les jeunes dans la rue au lieu d’interroger leur propre déni.

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