Le blog de Raphaël Mahaim

Elections fédérales: les jeunes pères au vert?

Elections fédérales: les jeunes pères au vert?

par | Fév 18, 2015 | Campagne, Famille, Générations futures, Les Verts, Qualité de vie | 6 commentaires

indexCe matin, à 6h45, encore un peu dans les choux, je suis tiré de ma torpeur matinale par la rubrique « Signature » de la 1ère (RTS) intitulée « Les vrais pères ne se mettent pas au vert ». En substance, la journaliste Nadine Haltiner estime que renoncer à être candidat aux élections fédérales pour se consacrer à sa famille est un « mauvais exemple » que donnent les hommes verts trentenaires aux femmes (voir le texte de sa chronique du 18 février ici). Je me sens visé, directement visé même, puisque j’ai encore parlé de ce sujet tout récemment avec une consoeur de Nadine Haltiner…

C’était un choix très difficile, douloureux même. Un renoncement, au sens premier du terme : ne pas être candidat aux élections fédérales alors que l’envie est intacte depuis ma candidature en 2011, encore renforcée par l’expérience acquise au Grand Conseil dans l’intervalle et l’acuité des enjeux environnementaux actuels. Mais il y a des choix qui s’imposent d’eux-mêmes, parce que l’on ne connaît que trop bien les risques encourus en cas de décision inverse.

Les activités politiques font probablement partie des plus pesantes pour la sphère privée et la vie familiale. Il faut réagir à l’actualité, être disponible pour les médias, à toute heure, quelles que soient les circonstances, être présent à la fois pour la population qui nous a élus, pour son parti et pour les causes que l’on défend. Même au simple niveau cantonal, un mandat parlementaire est souvent comparable à un poste à responsabilités qui implique une disponibilité de tous les instants. Alors qu’il s’agit, rappelons-le, d’une activité « de milice » qui ne permet pas de gagner sa croûte et qui est donc forcément accessoire à une autre activité professionnelle.

Je ne veux pas me faire mal comprendre. Siéger dans un Parlement est un privilège inestimable et une opportunité de faire avancer au quotidien les causes que l’on croit justes. Reste que si l’on veut faire un travail digne de la confiance donnée par les électeurs, il faut en avoir le temps. Un mandat de parlementaire fédéral implique au minimum, chaque année, quatre périodes de trois semaines de session à Berne, sans compter les séances de commission et les innombrables sollicitations diverses. Savoir comment l’on veut concilier politique, famille et travail est un choix éminemment personnel. Certains collègues y parviennent manifestement bien, notamment de nombreuses femmes, et je leur tire mon chapeau ; mais prétendre que l’on peut « aisément » concilier un engagement politique fédéral avec l’éducation d’enfants en bas âge relèverait du mensonge sur la marchandise. Cela implique obligatoirement de lourds sacrifices, dont les enfants sont souvent des victimes collatérales, eux qui connaissent mieux les absences des dimanches de votation que les dimanches en famille…

Le modèle de la génération de nos grands-parents était simple : monsieur à 100% au travail (et en politique), madame à 100% à la maison. C’est justement pour rompre avec ce modèle déséquilibré que les hommes doivent abandonner leur boulimie professionnelle et accepter de réduire leur taux de travail. Temps partiel, congés parentaux, solutions de garde : notre pays a 50 ans de retard en la matière et la Suisse a mal à ses familles. Plutôt que de tirer à boulets rouges sur ceux qui font le choix de ne pas courir tous les lièvres à la fois, peut-être pourrait-on s’en prendre aux dinosaures mâles du Parlement fédéral qui sont restés accrochés un demi siècle en arrière?

Les Verts, nous tentons de montrer par tous les moyens que la qualité doit avoir la priorité sur la quantité. Nous vivons dans monde de fous qui cultive l’illusion que « plus » est forcément mieux. Il faut cumuler (les activités, les mandats, etc.), accumuler (les richesses, les expériences) et, surtout, clamer en société que tout ceci se concilie sans douleurs et sans difficultés. Mais, bon sang, après quoi courons-nous ? Sommes-nous à ce point angoissés par notre propre finitude et celle de la planète pour croire que « combler le vide » nous rendra plus heureux ? Il ne faut pas s’étonner ensuite si autant de personnes « décrochent » de ce modèle où tout n’est que « performance », « compétitivité » ou « efficiency » et « multitasking », pour reprendre le jargon de la mode entrepreneuriale américaine…

Une petite “fable” bien connue (un brin niaise, comme toute fable, mais tellement parlante) déjà citée dans un précédent billet en guise de conclusion…

Un homme arrive un soir chez lui fatigué après une dure journée de travail, pour trouver son petit garçon de 5 ans assis sur les marches du perron.

– Papa, est-ce que je peux te poser une question ?

– Bien sûr !

– Combien gagnes-tu de l’heure ?

– Mais ça ne te regarde pas fiston !

– Je veux juste savoir. Je t’en prie, dis-le moi !

– Bon, si tu veux absolument savoir : 35 francs de l’heure.

Le petit garçon se retourne avec un air triste.

Il revient vers son père et lui demande :

– papa, pourrais-tu me prêter 10 francs ?

– Bon, c’’est pour ça que tu voulais savoir. Pour m’emprunter de l’argent ? Va dans ta chambre et couches-toi. J’ai eu une journée éprouvante, je suis fatigué et je n’ai pas le goût de me faire importuner avec de pareilles stupidités !

Une heure plus tard, le père qui avait eu le temps de décompresser un peu se demande s’il n’avait pas réagi trop fort à la demande de son fils.

Peut-être qu’’l voulait s’acheter quelque chose d’’important. Il décide donc d’aller dans la chambre du petit :

– Tu dors ?

– Non, papa !

– Ecoute, j’ai réfléchi et voici les 10 francs que tu m ‘as demandés.

– Oh ! Merci papa !

Le petit gars fouille sous son oreiller et en sort 25 francs. Le père voyant l’’argent devient tout irrité :

-Mais pourquoi tu voulais 10 francs ? Tu as déjà 25 francs !! Qu’’est ce que tu veux faire avec cet argent ?

-C’est qu’il m’en manquait. Mais maintenant, j’’en ai juste assez !! Papa, est-ce que je pourrais t’’acheter une heure de ton temps ? Demain soir, rentre à la maison plus tôt. J’aimerais dîner avec toi !

 

6 Commentaires

  1. Justin

    Bonjour Monsieur,

    Pourquoi ne reconnaissez-vous pas la valeur de principe de cet arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme ?

    A.M.E. c. Pays-Bas (n° 51428/10)
    13 janvier 2015 (décision sur la recevabilité)
    Le requérant, un demandeur d’asile somalien, alléguait que son renvoi en Italie l’exposerait à des conditions de vie médiocres et qu’il risquerait d’être expulsé directement par les autorités italiennes vers la Somalie sans que sa demande d’asile ne soit convenablement examinée.

    La Cour a déclaré irrecevables (manifestement mal fondés) les griefs formulés par le requérant sur le terrain de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention, jugeant que ce dernier n’avait pas établi que, s’il était renvoyé vers l’Italie, il courrait, d’un point de vue matériel, physique ou psychologique, un risque suffisamment réel et imminent de subir des épreuves revêtant le degré de gravité requis pour tomber sous l’empire de l’article 3. La Cour a relevé en particulier que, contrairement aux requérants en l’affaire Tarakhel c. Suisse (voir ci-dessus), qui formaient une famille avec six enfants mineurs, le requérant était un jeune homme en pleine possession de ses moyens, sans personne à charge, et que la situation actuelle en Italie pour les demandeurs d’asile ne pouvait en aucun cas se comparer à la situation en Grèce à l’époque de l’affaire M.S.S. c. Belgique et Grèce (voir ci-dessus). En conséquence, la structure et la situation générale en ce qui concerne les dispositions prises pour l’accueil des demandeurs d’asile en Italie ne pouvaient en soi passer pour des obstacles empêchant le renvoi de tout demandeur d’asile vers ce pays.

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-152295

    Réponse
    • Raphaël

      Bonjour Monsieur,
      Merci pour votre question fort pertinente en lien avec le débat de ce jour et pour l’extrait du jugement de la CEDH. Je n’ai pas la prétention de contester ce jugement qui, dans le cas d’espèce, a en effet nié que le requérant avait suffisamment établi le danger de traitements inhumains. Mais cet examen doit justement se faire au cas par cas et c’est également à l’aune des conditions de santé de la personne concernée, en Suisse, que la canton doit examiner le renvoi. C’était là mon propos: chaque cas est unique et chaque situation peut conduire le canton à refuser d’exécuter un renvoi. Meilleures salutations, raphaël mahaim

      Réponse
      • Justin

        C’est là que je ne vous comprends pas.
        L’Office fédéral des migrations examine chaque cas individuellement (ce qui coûte très cher au contribuable), le tribunal administratif fédéral, saisi d’un recours, examine chaque cas individuellement (son budget est de 50 millions/année pour traiter ces recours ; cf. leur site internet).

        Et vous souhaitez quoi ? que le canton recommence à zéro et fasse abstraction de la procédure judiciaire fédérale ? au nom de quoi ? En tant que juriste, prochain docteur en droit, vous ne pouvez ignorer par ailleurs sa marge de manoeuvre….

        Vraiment, l’arrêt que je vous ai mentionné est l’arrêt de « principe » de la cour européenne des droits de l’homme qui a voulu clarifier sa position après l’arrêt contre la Suisse. Vous pouvez lire cet arrêt en détail. La CEDH ne souhaite même pas examiner les griefs d’un homme célibataire, car il est manifeste (pour la CEDH) que les conditions d’accueil en Italie sont suffisantes.

        Accepteriez-vous de publier l’arrêt de la CEDH sur votre site et pas seulement en commentaire ? le cas échéant en exposant votre position ?

        Réponse
  2. Raphaël

    Le doctorat en droit est dans la poche depuis quelques mois maintenant… mon site n’est plus à jour. Mais cela n’a pas d’importance. Je prétends que tout ceci n’est pas uniquement juridique mais surtout politique, preuve en est le refus d’avant-hier de Pierre Maudet de renvoyer le ressortissant tchadien de Genève. Je ne suis pas certain de bien comprendre ce que vous souhaitez obtenir par une publication de l’arrêt sur mon site… Mais si je trouve le temps un de ces prochains jours, oui je tenterai d’exposer ma position à nouveau. Cordialement, raphaël mahaim

    Réponse
    • Justin

      Félicitations pour votre doctorat !¨

      Ce que je souhaite ? une information transparente à l’attention de nos voisins/amis/concitoyens. Je comprends que le débat est émotionnel et je peux comprendre votre position. Je regrette uniquement le manque d’information (de part et d’autre).

      Vous l’avez dit : vous souhaitez engager une bataille « politique » contre la Confédération (et la primauté du droit fédéral) et, généralement, on entend qu’elle se baserait sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme soutiendrait cette position. Au-delà de ces cas individuels, votre débat s’inscrit donc dans le débat voulu par l’extrême droite (pour ou contre la CEDH). Je pense qu’il serait dès lors transparent, équitable et tout simplement sain de préciser la position de la CEDH et de ne pas citer « que » l’arrêt contre la Suisse (qui a par ailleurs confirmé le principe du renvoi, mais a demandé à la Suisse d’obtenir uniquement une garantie particulière que l’Italie a donné).

      Pierre Maudet a fait totalement autre chose. L’Office des migrations, par le comportement oppositionnel du Dubliné-Espagne, a obtenu un nouveau répit de six mois pour le transférer. PM a dès lors joué le grand seigneur en acceptant de reporter de quelques jours ce renvoi, afin que les autorités fédérales puissent se prononcer sur les nouveaux certificats médicaux. Il ne s’est pas opposé au principe de son renvoi ; seulement permis qu’il dépose une nouvelle demande de réexamen depuis la Suisse (ce qui est parfaitement légal). Le transfert aura toutefois lieu si les autorités fédérales maintiennent leur position. De toute manière, soyons clairs, au vu de la presse, cette personne a le choix entre un renvoi en Espagne ou au Tchad. Il n’est toutefois pas un réfugié vu qu’il a expliqué partout qu’il avait uniquement fui la misère…

      Dans le canton de Vaud, le refuge « désobéissons » demande que le canton de vaud refuse d’exécuter les décisions fédérales. C’est totalement autre chose. Il serait dès lors sain que chacun explique ses positions « objectivement » et en toute transparence pour créer un débat politique ; pas choisir une information parcellaire. Vous ne trouvez d’ailleurs pas « étonnant » que l’arrêt contre la Suisse est repris massivement par tous les sites de soutien, mais que pas un seul ne mentionne l’existence de l’arrêt de principe du mois de janvier 2015 ?

      Je ne demande donc que de la transparence.

      Merci à vous pour vos réponse.
      Je vais me permettre de ne pas renchérir dans mon propos (en cas de nouvelles réponses). Je pense avoir suffisamment développé ma position et votre billet traite de totalement autre chose.

      Merci encore & je vous souhaite d’excellentes fêtes de Paques.
      J.

      Réponse
      • Raphaël

        Bonjour,
        Je vous remercie de ces explications et pour le ton très constructif de votre propos. Un débat juridico-politique très intéressant! Je vais tenter d’illustrer mon propos et ma position dans un prochain blog… lorsque j’aurai un peu de temps pour souffler. Bien à vous, raphaël mahaim

        Réponse

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