Le blog de Raphaël Mahaim

La Corée du Nord et le « mur » de Dandong

La Corée du Nord et le « mur » de Dandong

par | Avr 11, 2013 | Migration, Voyages | 1 commentaire

Dandong-25L’actualité brûlante en mer de Chine me donne l’occasion de poursuivre – enfin – la rédaction des impressions recueillies lors de mon voyage de février dans ces contrées lointaines. Notre périple nous avait conduits jusqu’à la frontière nord-coréenne (photos au bas de l’article)…

A n’en pas douter, en termes d’intensité, cheminer le long de la frontière entre la Chine et la Corée du Nord est une expérience assez singulière. Oh, ce serait bien sûr totalement déplacé de prétendre avoir vu quoi que ce soit de la Corée du Nord. Mais il n’en reste pas moins que les vues sur les terres du cinglé dictateur Kim Jong-Un sont tout à fait marquantes. C’est un retour d’un siècle en arrière, aux temps de l’agriculture collectiviste dans sa plus piteuse expression. Il faut dire aussi que, ce jour-là, la météo avait ajouté la touche impressionniste pour parfaire le tableau, avec brouillards et grisaille à perte de vue et températures sibériennes.

C’est au nord de la « petite » ville chinoise portuaire de Dandong (800’000 habitants) que nous avons littéralement marché le long de la frontière, plus précisément là où commence la Grande Muraille de Chine (rénovée). Le site constitue une attraction touristique – pour les Chinois surtout, peu d’étrangers y mettent les pieds – en été, mais se retrouve totalement déserté en hiver.

Le poste-frontière est assez ordinaire, du moins en apparence. A y regarder de plus près, on réalise toutefois que c’est davantage un mur qu’une frontière. Les rangées de barbelés affutés rappellent les frontières les plus redoutablement imperméables du globe : le mur de Palestine, la frontière américano-mexicaine, et, moins actuel, le Mur de Berlin. Cette frontière n’est pas faite pour être franchie; elle est même conçue pour être infranchissable: elle divise brutalement et irrémédiablement deux mondes que tout ne devrait pourtant pas forcément opposer.

Tous les 500 mètres, un garde-frontière nord-coréen fait les cent pas, affublé d’une jolie mitraillette. Il paraît qu’ils ont l’ordre de tirer à vue sur leurs concitoyens qui tentent de traverser vers « l’eldorado » chinois. Les joyeux pictogrammes des panneaux – traduits en anglais –  masquent assez mal la caractère sinistre de l’endroit. Même avec des couleurs et des personnages (presque) souriants, il est difficile de représenter graphiquement une fracture de manière harmonieuse.

Toute la région de Dandong est connue pour être une plaque tournante très active de la contrebande vers la Corée du Nord. C’est aussi le lieu où de nombreux Nord-Coréens tentent de passer la frontière. Ceux qui y parviennent se retrouvent dans la plus extrême clandestinité à Dandong, sans identité officielle et sans maîtrise de la langue. A l’enfer nord-coréen succède un enfer (moindre?) en Chine, l’attitude des autorités étant bien peu complaisante à leur égard.

Il est assez invraisemblable qu’un tel régime puisse encore perdurer de nos jours. Plus que les agitations médiatiques autour des tirs de missiles, ce qui m’inquiète avant tout, c’est l’absence totale de perspective intérieure pour la population nord-coréenne opprimée. Le pays est tellement militarisé, tellement contrôlé par la caste dirigeante, tellement sclérosé, qu’un soubresaut démocratique ou révolutionnaire semble impossible en l’état. Le printemps « nord-coréen » n’est pas pour demain.

Dandong-24La Grand Muraille de Hushan, extrémité orientale de la Grand Muraille à la frontière nord-coréenne

Dandong-20Rivière gelée dans la région de Dandong

Dandong-26Vues sur la Corée du Nord (la rivière représente la frontière)

Dandong-25Village nord-coréen d’agriculteurs

DandongLe puits du village et deux enfants qui jouent sur la rivière gelée

Dandong-22 Dandong-23Dandong-21Panneaux au poste-frontière

1 Commentaire

  1. Annik Mahaim

    Merci pour ces impressions, Raph ! Hélas, il semble que la situation sclérosée arrange tout le monde, les USA qui gardent un prétexte pour l’existence de leurs bases militaires, la Chine qui peut difficilement se défaire de cet allié, même de plus en plus gênant. J’essaie d’imaginer l’éducation malade que le fils à papa régnant a reçu et ce que ça peut donner comme délire. Même si ce roitelet est entouré d’un staff lucide, cette dictature ne peut se permettre aucune ouverture, car ce serait sa fin, sans doute violente. Alors les Nord-Coréens vont continuer à crever de faim dans leur monde concentrationnaire, et quand on a rencontré la merveilleuse finesse de ce peuple, par exemple au travers de son superbe cinéma, ça fait mal. Pourvu que le zinzin et son entourage ne pètent pas les plombs !

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