Le blog de Raphaël Mahaim

Monsanto et la saga des exonérations fiscales…

Monsanto et la saga des exonérations fiscales…

par | Mar 6, 2012 | Agriculture, Grand Conseil, Migration, OGM | 0 commentaires

Nous avons vécu aujourd’hui au Grand Conseil l’une des sessions parlementaires les plus agitées de la législature. La fièvre pré-électorale a fait exploser le thermomètre à l’occasion d’un débat sur les scandaleuses exonérations fiscales accordées par le canton à de riches multinationales étrangères. Dans le rôle du personnage principal de ce théâtre tragi-comique, le président du Conseil d’Etat Pascal Broulis, qui pratique avec beaucoup de talent l’art de la langue de bois…

En ouverture de séance cet après-midi, un député radical, sur ordre de son Conseiller d’Etat Pascal Broulis (du jamais-vu!), demande par voie de motion d’ordre de repousser en fin d’après-midi le débat prévu au début de la séance au sujet de ces exonérations fiscales. Motif invoqué: pour un sujet de cette importance, il est primordial que le Président du Gouvernement et Ministre des finances, empêché à 14 heures, soit présent. Cela me paraît aussi être la moindre des choses qu’un débat démocratique puisse avoir lieu sur ce sujet très important, en présence du principal intéressé…

Sauf qu’une fois arrivé au Grand Conseil, sur le coup des 16 heures, le débat repoussé n’a même pas lieu. Pascal Broulis fait une déclaration de quelques secondes à peine, se contentant, selon ses propres termes, de « donner une information aux députés, » laquelle information est en réalité déjà connue de tout le monde. Suite à sa prise de parole, la majorité radicale-libérale-UDC du Grand Conseil utilise un artifice de la loi sur le Grand Conseil pour clore la discussion. « Circulez, il n’y a rien à voir » nous dit-on en substance. Le débat qualifié de hautement important et reporté pour cette raison est esquivé, comme si de rien n’était.

Cela peut paraître peu spectaculaire pour le lecteur qui n’a pas l’habitude des sessions parlementaires. Mais les choses se résument pourtant à peu de mots: cet après-midi, le Parlement s’est fait danser sur le ventre par le Président du Gouvernement qui n’a pas du tout envie de s’empêtrer dans des explications forcément fumeuses à quelques jours des élections…

En parallèle à cette mascarade, les Verts avons continué à creuser cette affaire. Si nous n’obtenons pas les informations demandées au Gouvernement, nous n’excluons pas de demander la création d’une commission d’enquête parlementaire.

La liste des entreprises ayant probablement bénéficié d’une exonération fiscale s’allonge. Le dernier suspect est tristement célèbre: il s’agit de la multinationale agroalimentaire Monsanto, dont l’un des sièges est à Morges sur La Côte. Voici le texte de l’interpellation déposée cet après-midi. J’ai hâte d’obtenir les réponses du Conseil d’Etat. S’il s’avère que le Conseil d’Etat a octroyé un allègement fiscal à Monsanto, no 1 de la production d’OGM dans le monde – alors que la population vaudoise et suisse a exprimé à plusieurs reprises son opposition à la production d’OGM dans le domaine alimentaire – on atteindra réellement des sommets…

Le champion du monde des OGM et des scandales sanitaires Monsanto a-t-il aussi bénéficié d’exonérations fiscales ?

Dans ce qui est maintenant devenu « l’affaire vaudoise des exonérations fiscales », les révélations se succèdent à un rythme soutenu. Après Vale international et Eaton, dont les exonérations fiscales ne semblent pas toujours parfaitement conformes à la législation, Monsanto pourrait aussi avoir bénéficié d’exonérations fiscales.

Monsanto est inscrit à Morges au registre du commerce depuis 2004 et y a développé ses activités discrètement mais intensivement dès 2008. Il s’agit de son siège pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique. D’après les informations relayées par la presse en 2009, un peu moins d’une centaine de personnes sont actives dans ce site.

Monsanto est le no 1 mondial des semences génétiquement modifiées. Parmi les autres substances produites par Monsanto, on trouve notamment le PCB, l’agent orange et la dioxine. La production de la plupart de ces produits a été entachée d’immenses scandales sanitaires. Monsanto a ainsi été condamné à de multiples reprises par la justice pour pollutions massives de l’environnement, intoxications de personnes, publicité mensongère, etc. Les amendes et sanctions prononcées ont souvent été très lourdes ; certains produits largement commercialisés et utilisés dans la nature ont purement et simplement été interdits.

On se demande comment les activités économiques déployées par Monsanto à Morges profitent au tissu économique local. On a de la peine à s’imaginer comment d’éventuels allègements fiscaux pourraient être considérés comme une mesure intelligente de promotion économique. En outre, on relèvera que le Grand Conseil a exprimé à maintes reprises son opposition à la production d’organismes génétiquement modifiés dans le domaine agro-alimentaire, tout comme la population vaudoise et suisse.

Enfin, il faut rappeler que les décisions d’exonérations fiscales sont de compétence cantonale, les communes concernées disposant uniquement de la possibilité de rendre un préavis consultatif.

Au vu de ce qui précède, nous nous permettons de poser les questions suivantes au Conseil d’Etat :

1. L’entreprise Monsanto basée à Morges a-t-elle bénéficié et/ou bénéficie-t-elle encore d’exonérations fiscales ?

2. Sur quelles bases légales ces éventuelles exonérations fiscales ont-elles été octroyées ? S’agissait-il d’allègements fiscaux fondés sur l’arrêté Bonny et/ou d’autres formes d’exonérations ?

3. Les éventuelles exonérations portaient-elle sur l’impôt fédéral direct et l’impôt cantonal et communal ?

4. Quelle en était/est la durée et le montant ?

5. La décision a-t-elle été prise par le Conseil d’Etat in corpore ou uniquement par un ou plusieurs départements ?

6. Le Conseil d’Etat estime-t-il, dans le cas de Monsanto, que le critère fédéral de « l’importance particulière pour l’économie régionale », requis pour l’octroi d’exonérations fiscales fédérales, était rempli ?

7. Plus généralement, le Conseil d’Etat estime-t-il judicieux d’octroyer des exonérations fiscales à des entreprises dont les activités commerciales sont notoirement en porte-à-faux avec les normes environnementales et qui ont, de ce fait, souvent été sanctionnées ?

8. Le Conseil d’Etat a-t-il l’intention de mettre un terme aux exonérations consenties à Monsanto, cas échéant ? Dans quel délai ?

Lausanne, le 6 mars 2012                                                               Raphaël Mahaim

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