Le blog de Raphaël Mahaim

J-20 : « Un pour tous » ou « chacun pour soi » ?

J-20 : « Un pour tous » ou « chacun pour soi » ?

par | Oct 3, 2011 | Générations futures, Qualité de vie, Ressources naturelles | 0 commentaires

J’étais deux jours au Tessin pour un séminaire de droit constitutionnel de l’université de Fribourg au sujet des droits fondamentaux et de l’Etat de droit. Les discussions que nous avons eues m’inspirent quelques réflexions au sujet de notre système politique et notre modèle de société occidental. Petit détour par la philosophie politique le temps d’un billet, dans une campagne électorale cruellement dépourvue de questionnements de fond sur les grandes orientations de société.

D’abord, le compte-rendu du week-end et le programme de la journée :

Le programme du jour : distribution de croissants et de flyers entre 6h30 et 8h à la gare de Morges – visite de la cimenterie d’Holcim avec les autres candidates et candidats verts en fin d’après-midi

Le récit du week-end : dimanche matin très sympathique au marché à Gland

  • Nombre de courriels concernant la politique pendant le week-end : 90
  • Nombre de téléphones concernant la politique : 2
  • Nombre d’heures consacrées à la politique : 5

« Un pour tous » ou « chacun pour soi » ?

Dans les pays du Nord, et ce depuis quelques siècles, l’individu constitue la cellule de base, l’alpha et l’oméga de notre organisation politique et sociétale. Le postulat s’est peu à peu imposé pour ensuite devenir axiome, jamais remis en doute : la vie en société doit s’organiser de manière à viser la maximisation de la satisfaction de chaque individu pris séparément. Après les philosophes des Lumières, les économistes ont repris ce refrain à leur compte. En bonne théorie microéconomique classique, la richesse d’une économie est le simple agrégat des richesses individuelles.

A l’époque des Lumières, il s’agissait de s’abstraire de la tutelle des monarques et de la noblesse, classe dominante qui niait à l’immense majorité de la population tout droit à l’autodétermination, à l’autonomie. La reconnaissance de droits fondamentaux était un pas indispensable vers une société plus libre, dépourvue de castes et de rapports d’exploitation entre ses membres.

Avec l’industrialisation et les avancées technologiques, le modèle des Lumières a toutefois été largement dévoyé, ou plutôt s’est considérablement modifié. Le primat de la dignité humaine héritée de la Révolution française s’est transformé en une individualisation outrancière de l’économie. L’enrichissement individuel a été encouragé, voire glorifié. On a commencé à mesurer la réussite sociale à l’aune des biens matériels accumulés. Dans l’arsenal des droits fondamentaux, la liberté économique et la propriété privée ont dominé les débats de la tête et des épaules.

Aujourd’hui, on ne peut que constater que le modèle individualiste et productiviste mène la planète et ses populations vers le gouffre. L’intérêt de la collectivité tout entière ne résulte pas de la simple addition des intérêts des individus. Le révélateur le plus criant de l’incohérence de cette équation est l’état de la planète : si chaque individu consomme sans limites les ressources naturelles à sa disposition, le stock de ces ressources sera un jour ou l’autre épuisé.

L’être humain semble incapable de se préoccuper du long terme et de l’intérêt collectif. Dans notre société post-moderne, c’est résolument « chacun pour soi ». On s’emploie à combattre – avec plus ou moins de détermination et d’intelligence selon les Etats – les symptômes de cette dérive : filets sociaux pour celles et ceux qui ne rentrent pas dans le moule, correctifs fiscaux pour atténuer les écarts de richesse, règles minimales de protection de l’environnement, etc. Mais ne ferait-on pas mieux de mener une discussion sur les manières de s’attaquer aux racines du problème ?

A ce jour, les tentatives politiques de redonner à l’intérêt collectif ses lettres de noblesse ont été misérables. Sous le communisme russe, un appareil d’Etat corrompu a imposé par le haut un système qui ressemblait, en de nombreux points, à celui de la Monarchie française : une caste privilégiée qui étend sa domination sur une majorité asservie. En Chine, on résout tout problème collectif par une négation absolue des droits des individus : aucune liberté d’expression, aucun droit de saisir la justice en cas d’atteinte à la vie privée, régulation des naissances, etc. Au nom d’intérêts d’Etat supérieurs, on déplace des centaines de milliers de personnes pour construire des centrales électriques.

Je refuse de croire que ces échecs signifient que tout est perdu. Il doit y avoir des moyens de vivre ensemble autrement, des moyens d’assurer la protection de la planète, le seul vaisseau que nous ayons pour naviguer. Il faut vraisemblablement que l’initiative vienne des individus eux-mêmes, qu’ils se donnent eux-mêmes, démocratiquement, des règles permettant de préserver l’intérêt collectif. C’est la seule voie permettant d’éviter le piège totalitaire. Mais comment défendre cette « autolimitation » dans la cacophonie électorale de ces jours ? Un message bien difficile à faire entendre, et pourtant si crucial…

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